« La ville demeure trop souvent – encore – un espace « genré » où les déséquilibres entre les usagers, femmes et hommes, enfants, personnes atteintes de handicap ou non, etc., restent importants. » En effet, la seule dénomination des rues et des espaces publics constitue un exemple symbolique de cette disparité d’usage. Même si des améliorations notables ont été réalisées dans la ville de Paris avec notamment la proportion de voies portant le nom d’une femme, qui a doublé depuis 2014 pour atteindre 12%. Néanmoins, cette part reste encore largement minoritaire et cette disparité est également remarquable dès l’école. Ainsi, comment repenser l’espace public de façon inclusive ?
Les cours de récréation : un miroir de l’espace public
Cette disparité des usages de l’espace public commence dès l’école : les cours de récréations agissent comme un miroir de l’espace public. Depuis le lancement du projet « L’égalité filles-garçons, ça commence à l’école » en 2010, le constat est le suivant : « les filles et les garçons ont des difficultés à se mélanger, ils ont du mal à coopérer dans certaines situations ».
En effet, selon la géographe Edith Maruejouls, autrice de Faire Je(u) égal, « dans les cours de récréation, les garçons bénéficient d’un espace central et unifié (généralement le terrain de foot), tandis que les filles sont reléguées sur les côtés dans des espaces morcelés, créant symboliquement et inconsciemment les inégalités de genre dans l’espace public ».
Face à ce constat, des solutions d’aménagement existent pour rendre les cours d’école inclusives pour tous les enfants, favorisant l’apprentissage de la vie en société et en mixité.
En effet, plusieurs villes se saisissent de ces enjeux et réaménagent les cours d’écoles en espaces non-genrés qui visent à diversifier les pratiques de jeux sur les temps de récréation et à donner à chaque enfant sa place. Des villes comme Grenoble, Trappes ou Rennes s’inscrivent dans une démarche de lutte contre les stéréotypes et les cours d’écoles non-genrées s’y multiplient à l’instar du groupe scolaire Clémenceau à Grenoble qui suit la séquence « Débitumiser, dégenrer, végétaliser, potagiser ». En région bordelaise, la municipalité s’est emparée de ces enjeux et s’est dotée d’un plan de végétalisation des cours d’écoles et des crèches visant à garantir « une meilleure accessibilité et un partage « équitable d’usages entre tous ».
Plus concrètement, il ne s’agit pas de supprimer l’espace de jeux de foot, mais de lui accorder une place définie et d’en faire un espace modulable pour pratiquer d’autres jeux choisis collectivement par les élèves. La division de la cour en plusieurs ambiances est également une piste d’aménagement intéressante puisqu’elle permet de répondre aux besoins et aux envies de tous les enfants. Ainsi, la ville de Mérignac a réaménagé la cour d’une école élémentaire en définissant une zone de « temps calme » propice à la lecture et aux discussions, une zone « intermédiaire » pour les jeux de société entre autres et enfin, un espace pour les jeux collectifs qui n’est plus forcément central.
Tendre vers une ville plus résiliente face au changement climatique
De plus, le réaménagement des cours est aussi l’occasion d’intégrer des projets de végétalisation. Ces espaces végétalisés ne suppriment pas l’espace de jeux mais permettent de créer à la fois des îlots de fraîcheur et des espaces pédagogiques sensibilisant les élèves aux enjeux environnementaux. Dans le contexte de réchauffement climatique, la végétalisation des cours d’école représente un réel levier d’action pour tendre vers une ville plus résiliente.
Aussi, les cours végétalisées tendent à devenir la norme : la méthode des cours Oasis qui proposent des outils de co-conception de réaménagement incluant une meilleure gestion des eaux pluviales tend à se démocratiser.
À titre d’exemple la ville de Rennes s’est donnée l’objectif de « traiter les 85 cours d’écoles de la ville, en commençant par les moins dotées en espaces verts ».
L’aménagement inclusif dans les projets urbains transversaux
Au-delà des cours d’école, les enjeux de conception non-genrés et inclusifs tendent à prendre de l’importance dans des champs transversaux de la conception urbaine. En effet, « la municipalité de Rennes s’est saisie du sujet en faveur d’une ville plus inclusive ». Quatre piliers ont été identifiés pour tendre vers cet objectif : « la conception de l’espace public, mais aussi la concertation avec les femmes [organisation de marches exploratoires entre autres], l’animation des espaces et l’observation des usages qui en sont faits ».
Dans le cadre du projet « Réinventons nos places ! » lancée en 2015, la ville de Paris a intégré la notion d’inclusivité dans ses appels d’offre avec la présence d’un.e spécialiste du genre dans les équipes de maîtrise d’œuvre. En outre, l’égalité femmes-hommes dans l’offre des équipements sportifs reste encore trop souvent un impensée. Dans le cadre de l’aménagement des quais de la Seine, la métropole Rouen-Normandie qui prévoyait initialement l’aménagement d’un terrain dédié au foot ou au basket, a fait le choix d’y installer une piste de roller derby en vue de « ménager une place aux filles dans ces futurs espaces ».
Pour ce qui est des mobilités, la prise en compte des demandes des usagères tend à développer des aménagements cyclables plus qualitatifs. Ceux-ci sont dotés de pistes plus larges, séparées de la route et des piétons et intègrent éventuellement des marquages au sols lumineux. Ces voies cyclables inclusives ont été mises en place par la métropole de Lyon et permettent non seulement d’inclure les femmes et les enfants mais également d’améliorer l’accès aux personnes en situation de handicap qui ont besoin de voies cyclables adaptées.
Aussi, qu’il s’agisse de réaménager des places, d’aménager des équipements sportifs au-delà des classiques city-stades et skateparks ou de proposer des voies cyclables qualitatives, les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes tendent à prendre un place de plus en plus importante dans les projets urbains.
À travers la réalisation de schémas directeurs immobiliers et énergétiques (SDIE), tbmaestro accompagne les collectivités dans la gestion de leur patrimoine immobilier et notamment de leurs parcs scolaires. En outre, lors de la réalisation d’un audit 360°, le volet occupationnel et fonctionnel permet d’identifier les axes d’amélioration possibles concernant les usages des bâtiments et espaces collectifs, comme la cour de récréation. Ces outils proposés par tbmaestro permettent aux collectivités de se doter d’une véritable stratégie patrimoniale transversale qui intègre des opérations immobilières pertinentes.
Mots-clés : Espace non genré, cours d’école, mixité, égalité, végétalisation, aménagement inclusif
Date de l’article : 07/12/2022
Rédactrice : Emma Gonzalez
Sources :
Concevoir des espaces publics « non genrés » – 17/09/2021 : https://www.lagazettedescommunes.com/764398/concevoir-des-espaces-publics-non-genres/
Féminisons les noms des rues ! – 23/06/2021 : https://www.paris.fr/pages/feminisons-les-noms-des-rues-6538/
L’égalité filles-garçons, ça commence à l’école ! – novembre 2021 : https://www.ac-bordeaux.fr/l-egalite-filles-garcons-ca-commence-a-l-ecole-123980
Repenser la cour de récréation, terrain des inégalités de genre, avec la géographe Édith Maruéjouls – 16/09/2022 : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/une-semaine-en-france/une-semaine-en-france-du-vendredi-16-septembre-2022-9166994
À Grenoble, Rennes ou Trappes, les cours de récréation « non-genrées » se multiplient – 25/07/2020 : https://www.bfmtv.com/societe/a-grenoble-rennes-ou-trappes-les-cours-de-recreation-non-genrees-se-multiplient_AN-202007250006.html
Bordeaux veut plus d’égalité filles-garçons dans les cours de récré – 08/01/2021: https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/bordeaux-veut-plus-egalite-garcon-fille-cours-recre-1913098.html
Les cours Oasis – 08/11/2022 : https://www.paris.fr/pages/les-cours-oasis-7389
Rennes. Une cour de récréation non genrée à la maternelle Torigné – 18/05/2022 : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-une-cour-de-recreation-non-genree-a-la-maternelle-torigne-c13d5c6e-d626-11ec-bc79-175cb6a02235
Ouvrir la ville aux femmes : l’exemple de Rennes – 27/01/2020 : https://www.lagazettedescommunes.com/659221/ouvrir-la-ville-aux-femmes-lexemple-de-rennes/
Penser la ville pour les femmes, l’aménager pour tous – 12/01/2018 : https://www.lagazettedescommunes.com/594803/penser-la-ville-pour-les-femmes-lamenager-pour-tous/
Penser la ville pour les femmes, l’aménager pour tous – 17/08/2022 : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/des-pistes-cyclables-inclusives-a-lyon-penser-la-ville-autrement-7934200