L’ouverture à la concurrence TER sous le prisme de la gestion d’actifs

29 Oct, 2024

Dans un contexte d’ouverture à la concurrence du transport public ferroviaire régional, l’avenir des sites de maintenance et de remisage, permettant les opérations de maintenance de premiers niveaux, ainsi que celui du matériel roulant est bousculé avec en prime un changement de propriétaire.

Contexte d’ouverture à la concurrence du transport public ferroviaire régional

Depuis le 25 décembre 2023, les Régions françaises n’ont plus le droit de signer et d’attribuer directement à la compagnie publique SNCF Voyageurs des conventions d’exploitation des TER (Transport Express Régional, marque commerciale de SNCF Voyageurs) pour exploiter les services ferroviaires régionaux. L’origine de cette décision provient de l’application de deux textes, l’un européen et l’autre national : le règlement européen n°1370/2007 (dit « règlement obligation de service public ») et le pacte ferroviaire voté par le Parlement français en juin 2018. Ainsi, l’ensemble des Régions, entre mars 2022 et décembre 2023, ont signé de nouvelles conventions TER afin de définir les modalités de l’ouverture à la concurrence. Cela passe par un découpage en lots cohérent au regard des lignes et des sites de maintenance ou encore un calendrier progressif d’ouverture à la concurrence d’ici 2033 pour la majorité des lots. Seules la Bretagne et l’Occitanie assurent à SNCF Voyageurs un service jusqu’en 2033. Pionnière dans la démarche d’ouverture à la concurrence, la Région PACA a choisi, en octobre 2021, l’opérateur historique pour exploiter, à partir de la fin 2024, l’étoile de Nice, et un nouvel opérateur Transdev, à partir de l’été 2025, pour l’axe Marseille-Toulon-Nice. Les conventions TER représentent majoritairement un engagement sur une dizaine d’années. Sauf les Hauts-de-France qui n’ont signé que pour cinq ans (2024-2028) et la Nouvelle-Aquitaine pour sept ans (2023-2030).

Illustration 1 : Situation au 31 décembre 2023, source ART

Aussi, les Régions reprennent de nombreux actifs en propriété pour permettre l’ouverture à la concurrence.

Mais de quel patrimoine repris en propriété parle-t-on ?

Dans le contexte d’ouverture à la concurrence, les Régions reprennent en propriété les biens ferroviaires afin de respecter les grands principes fondamentaux de la commande publique : l’égalité de traitement entre les candidats, la liberté d’accès et la transparence de procédures. L’article 21 de la loi du 27 juin 2018 n°2018-515 pour un nouveau pacte ferroviaire précise le patrimoine que les Régions peuvent reprendre en propriété et énonce les conditions de transferts. Il s’agit du matériel roulant, des sites de maintenance et de remisage, des équipements ferroviaires et de l’outillage nécessaires à la maintenance et à l’exécution du service.

  • Les matériels roulants utilisés pour la poursuite du service public ;
  • Les ateliers de maintenance désignant toute installation de maintenance, comprenant les équipements, notamment les voies, installations fixes et outillages, immeubles par nature ou par destination, et les éventuels bâtiments qui les entourent, nécessaires à la réalisation d’opérations de maintenance du matériel roulant utilisé pour l’exécution du contrat de service public ;
  • Les terrains associés aux ateliers et aux sites.

Le transfert du matériel roulant et des ateliers de maintenance et de remisage se font moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable [1]. Les terrains sont transférés moyennant le versement à leurs propriétaires respectifs d’une indemnité égale à la valeur vénale [2].

Qui sont les acteurs impliqués dans ce contexte ?

Parmi l’ensemble des parties prenantes, on retrouve trois acteurs majeurs :

  • Les Autorités Organisatrices de Transports (AOT) : Il s’agit des Régions avec leurs politiques publiques régionales associées qui définissent le niveau de service public de transport ferroviaire régional souhaité.
  • Les exploitants : Ce sont les opérateurs qui exploitent et effectuent le service pour le compte des AOT avec historiquement SNCF Voyageurs qui dans le contexte d’ouverture à la concurrence est rejoint par de nouveaux acteurs comme Transdev, RATP Dev, Keolis (filiale de la SNCF), Arriva et d’autres filiales de compagnies étrangères.
  • L’Autorité de Régulation des Transports (ART) : Cette autorité indépendante représente les intérêts des usagers et veille dans le contexte d’ouverture à la concurrence à l’accès et au partage des informations pour les exploitantes et entre les Régions et la SNCF Voyageurs.

Les objectifs de l’ouverture à la concurrence

Outre le fait de se conformer aux réglementations européennes, l’ouverture à la concurrence des TER a pour objectif d’accroître la qualité du service public de transport ferroviaire et en favoriser une maîtrise budgétaire. Selon un rapport de l’Autorité de Régulation du Transport (ART), « les premières mises en concurrence par appels d’offres des services conventionnés régionaux (TER) ont par ailleurs donné lieu à une offre améliorée ou sensiblement augmentée pour un coût en baisse de 20 à 25 % ».

Enjeux pour les Régions

Ainsi, ce contexte soulève de nombreux enjeux pour les Régions, en tant qu’autorités organisatrices du transport. En effet, les Régions ont l’habitude de gérer historiquement un patrimoine composé de lycées, de bâtiments administratifs et des actifs associés aux moyens généraux. Désormais, elles récupèrent des actifs ferroviaires d’un nouveau type qu’elles doivent appréhender et intégrer à leur gestion d’actifs globale. Ces enjeux sont essentiels, il convient de :

  • Connaître son patrimoine ferroviaire repris en propriété,
  • Organiser son service de gestion,
  • Assurer un pilotage stratégique et opérationnel.

D’un point de vue organisationnel, de nombreux choix s’offrent aux Régions pour gérer ce patrimoine et s’assurer de la bonne gestion du délégataire : soit restructurer en interne un service dédié à la gestion de ce nouveau patrimoine ferroviaire en s’appuyant sur des compétences existantes et en recrutant, soit conserver les services actuels en favorisant la mise en commun de compétences transverses en gestion d’actifs physiques inter service avec celui de la mobilité, ou encore créer une Société Publique Locale (SPL) qui effectuera la gestion des actifs de manière autonome. L’organisation à déployer devra avant tout refléter la volonté et le niveau d’implication souhaitée par la Région en gestion d’actifs auprès des autres parties prenantes : connaissance exhaustive du patrimoine, définition et contrôle du service public de transport, contrôle de la performance des actifs et de la gestion qu’en a le délégataire, expertise ferroviaire ou non.

Concernant le pilotage de ces actifs, si la maîtrise de la donnée et des informations est cruciale, elle doit être couplée à un processus décisionnel basé sur la connaissance précise des actifs repris en propriété, s’appuyant sur les activités du cycle de vie des actifs et une gestion du risque. Un des objectifs est de s’assurer que la dépréciation financière d’un actif (à travers la Valeur Nette Comptable) est en adéquation parfaite avec sa dégradation physique (vétusté). L’anticipation et la priorisation des investissements et des opérations de renouvellement des actifs sont des enjeux essentiels.

Aussi, cette gestion du patrimoine ferroviaire s’inscrit au sein d’un maillage complexe d’acteurs et il convient de garantir un alignement d’une part entre les parties prenantes et d’autre part entre les parties prenantes et la politique déployée de gestion d’actifs.

La mise en place d’un système de gestion d’actifs ou de son adaptation pour intégrer une nouvelle composante comme celle ferroviaire n’est pas toujours aisée et peut nécessiter l’accompagnement d’un tiers de confiance extérieur. La gestion d’actifs d’un nouveau type pour les Régions est l’opportunité d’appréhender la gestion d’actifs ou d’intégrer la composante ferroviaire en perfectionnant la gestion globale des actifs à travers un référentiel normé, notamment conforme aux exigences de la norme ISO 55 001. tbmaestro, en qualité d’assistant à maîtrise d’ouvrage et de tiers de confiance, évalue la maturité en gestion d’actifs des Régions, formalise les documents cadres comme une politique de gestion d’actifs et préconise un plan d’actions détaillées, tant en termes de gestion du patrimoine que d’organisation à mettre en place.


[1] Nette de toutes subventions et ne donnant lieu au versement d’aucune autre somme, ni à perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.

[2] Nette de toutes subventions et ne donnant lieu au versement d’aucune autre somme, ni à perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.


Mot clé principal : Ferroviaire

Mots clés : Ferroviaire, Mobilité, Gestion d’actifs, Ouverture à la concurrence, Reprise en propriété de biens ferroviaires, Région, AOT, ART

Date de l’article : 29/10/2024

Rédacteur :

Sources :

« Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence », Cour des comptes, octobre 2019, Rapport public thématique.

Rapport d’activité 2023, Tome 2, ART.

https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/internal-market-and-state-aid-public-passenger-transport-services-by-rail-and-road.html

https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000036708397

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000038582955

https://www.laviedurail.com/actualites/ter-ou-en-est-louverture-a-la-concurrence-le-point-region-par-region/

https://www.autorite-transports.fr/actualites/2022-annee-des-premiers-effets-positifs-de-louverture-a-la-concurrence-pour-les-usagers-du-train/

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