Les tiers-lieux, espaces hybrides et collaboratifs
16 Juin, 2021
Depuis plusieurs années, de nouveaux espaces de services et d’activités – qu’on appelle désormais « tiers-lieux » – se sont développés. Qu’ils soient à l’initiative d’acteurs privés, de collectivités territoriales ou de citoyens, implantés dans les métropoles, les territoires ruraux, périurbains ou au sein de quartiers, les tiers-lieux apparaissent comme des lieux de regroupement dans le but de « faire ensemble ».
D’où vient ce concept de tiers-lieu ?
Le terme est traduit de l’anglais The Third Place, une notion forgée et développée dans les années 80 par Ray Oldenburg, professeur américain de sociologie urbaine. Ce « troisième lieu » ou ce « tiers-lieu » désigne un espace entre le lieu de vie, le domicile (le premier lieu) et le lieu de travail (le deuxième). Il s’agit de créer un lieu « dédié à la vie sociale de la communauté et se rapporte à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle ». Il précise que le tiers-lieu doit être un espace neutre, accessible à tous et où chacun est libre de s’exprimer.
Comment définir un tiers-lieu ?
Il est difficile de définir ce concept puisqu’il existe autant de définitions que de tiers-lieux : chaque espace a sa spécificité, son fonctionnement et son mode de financement qui dépend des projets de sa communauté.
Mais ce qui rassemble chaque tiers-lieu est la notion de collectif, d’initiative citoyenne et la réunion deplusieurs activitésau sein d’un même espace. Il se veut être à la fois un lieu de travail et un lieu de vie, ainsi qu’un espace de discussion, de partage et de rencontre.
Le tiers-lieu est donc un espace hybride qui s’adresse à différents types de publics : travailleurs indépendants, télétravailleurs, artisans, chercheurs, artistes, agriculteurs, mais aussi bricoleurs, partenaires, bénévoles, voisins et locaux, créant ainsi un espace de mixité sociale.
Concrètement, un tiers-lieu peut être un espace de coworking et/ou un fablab, un café associatif, un repair’café (atelier de réparation collaboratif), un pôle de recherche, un atelier partagé, un laboratoire d’expérimentation et d’innovation, un lieu pédagogique, une friche industrielle, un centre culturel, un lieu de production entre fermiers mais aussi un lieu de vente partagé entre producteurs ou consommateurs, un garage solidaire, un pôle artistique, un incubateur d’entreprise, un pôle numérique, un lieu d’exposition…
Pourquoi créer un tiers-lieu ?
L’objectif d’un tiers-lieu est de favoriser la créativité et les projets collectifs, notamment à travers un brassage de connaissances et de savoir-faire grâce à la diversité des activités en son sein. Le « tiers-lieu » est indissociable du concept d’intelligence collective et se veut créateur de lien social. Il s’agit de répondre aux problématiques et évolutions actuelles et de donner accès à de nouveaux services de proximité.
En milieu rural, un tiers-lieu va pouvoir permettre le développement de services et d’équipements, s’inscrire dans la lutte contre la fracture numérique et apporter une nouvelle dynamique sociale, culturelle et économique. Par exemple, « le jardin d’Arvieu » est un tiers-lieu villageois situé en Aveyron (12). Avec plusieurs espaces de convivialité créés dans le village, il propose une expérience de coworking, coliving, de séminaires et de formations. Il développe une offre de services publics, d’espaces partagés et d’équipements culturels et sportifs très importante.
L’enjeu écologique et numérique constitue pour un certain nombre de tiers-lieux une base commune qui engage leurs manières d’agir et leurs projets. « L’Hermitage », situé à Autrêches dans l’Oise (60) est un espace d’expérimentation qui s’engage pour l’agroécologie (micro-ferme en agriculture biologique et aquaponie), la transition écologique et solidaire (formation aux métiers du numérique, outils numériques climatiques) et le « hacking citoyen » (données ouvertes).
Les tiers-lieux en France et leurs institutions
En France, les premiers espaces de travail partagé se sont développés récemment, à la fin des années 2000. Puis, le concept de tiers-lieu s’est déployé également. Le rapport de la Fondation « travailler autrement », publié en septembre 2018, estime qu’il y a entre 1500 et 1800 tiers-lieux en France, dont presque la moitié en dehors des métropoles.
Le Gouvernement, par l’intermédiaire de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), a lancé en 2019 le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » afin de soutenir le développement de ces nouveaux espaces. L’État a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour identifier d’ici 2022, à travers plusieurs phases de candidatures, 300 « Fabriques de territoire », c’est-à-dire lieu ressource pour le réseau des tiers-lieux, existantes ou en projet, en territoire rural et urbain (quartiers prioritaires de la politique de la ville).
Les dates limites de dépôt des dossiers pour les prochaines vagues sont le 30 juin 2021 et le 30 septembre 2021.
L’Etat s’est engagé à financer leur fonctionnement à hauteur de 75 000 à 150 000 euros sur 3 ans, à raison de 50 000 euros par an maximum, à travers des subventions d’amorçage, des soutiens à l’investissement, des mises à disposition de lieux vacants, la création de fonds d’Investissement Socialement Responsable (ISR) ou encore des sources de financements liées à des services d’intérêt général, le temps pour ces structures de trouver leur équilibre économique.
Les tiers-lieux se développent en réseau à l’échelle régionale (voir la carte ci-dessus) et désormais à l’échelle nationale avec la création en 2018 du Conseil National des Tiers-Lieux (CNTL). Cette assemblée représentative est l’interlocuteur privilégié de l’Etat et participe à l’étude des candidatures pour l’AMI des « Fabriques de Territoire ».
Les tiers-lieux correspondent ainsi aux enjeux actuels des territoires et c’est pourquoi de plus en plus de collectivités (villes, départements) s’investissent dans le développement de ces espaces. L’équipe tbmaestro est sensible à la création de ces nouveaux lieux et met en avant le principe de mixité des usages. Les tiers-lieux peuvent ainsi faire l’objet de propositions innovantes pour les collectivités territoriales dans le cadre de l’élaboration de leur Schéma Directeur Immobilier (SDI).
Mots clefs : tiers-lieux, coworking, fablab, collaboration, hybride, innovation
Date de l’article : 16/06/2021
Rédactrice : Marianne Ehrhardt
Sources :
Oldenburg R. The Great Good Place: Cafés, Coffee Shops, Bookstores, Bars, Hair Salons, and Other Hangouts at the Heart of a Community, Marlowe, (1998).
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